Terroir

Qu’est-ce qui fait que le Liban, ce petit pays de la côte est de la Méditerranée, a sa propre culture du vin, plus que n'importe quel autre pays de la région ? Pourquoi les vins du Liban ont leur bonne place sur la carte mondiale du vin ? C'est dans la Vallée de la Békaa que se trouve la réponse et où tout a commencé. Du moins, c'est là qu'est née l'industrie vinicole libanaise moderne, en 1857, dans les environs de la ville de Zahlé, chef-lieu de la Békaa.

Nous sommes donc au milieu du XIXe siècle. Dans les villages de Ksara et Taanayel, des prêtres jésuites répandent la bonne parole. Ils décident de produire un vin rouge sec, et non le vin d'église doux qu'ils utilisent pour le service religieux. Ils se rendent en Algérie, deuxième pays producteur de vin au monde à l'époque. Ils ramènent du Cinsault, du Grenache et du Carignan et retournent les planter dans la Békaa. C’est l'acte fondateur de l'industrie vinicole libanaise moderne.

Par la suite, plusieurs événements ont contribué à lancer cette industrie. François-Eugène Brun, ingénieur français, débarque dans la Békaa en 1868 et fonde le Domaine des Tourelles, première entreprise commerciale vinicole du pays, plus à l'ouest de Zahlé (région de la Békaa-Ouest). Là encore, l'idée d'un vin sec produit dans la Békaa fait son chemin. Fin de la Première Guerre mondiale, les Ottomans sont vaincus. Les territoires ottomans du Proche-Orient sont partagés entre les Français et les Britanniques. L'actuel Liban est confié aux Français. Ils font venir 50 000 soldats et fonctionnaires pour administrer le pays. Ils ont besoin de vin. À l'époque, le soldat français ordinaire avait droit à un litre et demi de vin par jour, ce qui a créé une demande. La nouvelle s'est répandue dans tout le pays, donnant un élan à la culture vinicole naissante.

La France quitte le pays en 1943 et le Liban obtient son indépendance. Mais la viticulture au Liban reste intimement liée à celle de la France. Les liens politiques ont amené des liens de connaissance et l’industrie vinicole libanaise reste influencée par le savoir-faire et le goût français, qu’elle amène ailleurs, pourtant, puisque chaque vin est façonné dans l’unicité de ce terroir.

Le climat de la Békaa est typiquement méditerranéen, avec des étés secs, des nuits fraîches et un niveau constant de précipitations. Ainsi, les raisins mûrissent généralement durant le mois de septembre, ce qui leur permet de développer une profondeur d’arômes remarquable, des goûts prononcés et des niveaux d'intensité élevés. Les vignes sont plantées à des altitudes allant jusqu'à 1 000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le sol est principalement composé de calcaire et d'argile. La Vallée de la Békaa s'étend entre les deux chaînes de montagnes du Liban : Le Mont-Liban à l'ouest et l'Anti-Liban à l'est. Elles jouent un rôle essentiel dans le terroir : Elles protègent les raisins des pluies diluviennes de l'ouest et des conditions désertiques de l'est. Les vignes bénéficient ainsi d'une exposition optimale qui permet de produire des vins uniques en termes de texture, de goût et d'arôme.

Outre le Cinsault, le Grenache et le Carignan, introduits à l'origine par les Jésuites, les cépages les plus répandus sont le Cabernet Sauvignon et le Merlot (pour les rouges) et le Sauvignon Blanc, le Chardonnay et le Viognier (pour les blancs). Depuis quelques années, les vignobles travaillent de plus en plus des cépages autochtones libanais, tels que le Merwah et le Obeidy. Traditionnellement utilisés pour produire l'arak (alcool distillé libanais à base de raisin et d’anis), les producteurs libanais sont aujourd'hui fiers de proposer des vins de Merwah ou de Obeidy de grande qualité, en monocépages, ou même en assemblages.

Traversée par des occupations multiples du fait de sa situation géographique, la Békaa a toujours été une terre en mouvement, profondément chargée d’histoire. L’histoire locale du vin y est intimement liée : Du nord à Baalbek, le monumental temple de Bacchus, dieu romain du vin, sert depuis 2000 ans d’évidence de la présence ancestrale de la vigne jusqu’au sud où, dans les années 80, les chars des armées syriennes et israéliennes s’affrontent dans les vignobles de la Békaa-Ouest, près du village de Sultan Yacoub, et y font des ravages. C’est de cette même Békaa que nous continuons aujourd’hui à apprécier des vins uniques.