Il est difficile d’imaginer, en ces temps troublés, les collines verdoyantes de Lattaquié. Pourtant, ces étendues qui s’élancent, à partir de la Méditerranée, depuis la grande ville portuaire de Lattaquié, sont bien là, comme un défi porté au temps et à l’Histoire. La partie urbaine a, depuis 2011, été profondément transformée, puisqu’elle sert de zone refuge pour les déplacés syriens de l’intérieur : les industries s’y sont implantées, le tourisme intérieur fait fonctionner les commerces et les services, et y règne, malgré le chaos que vit le pays, une grande vivacité culturelle et économique.
Autour de la ville, se déploient des hectares de maraîchages et des vergers de pommes et d’agrumes. Mais ce sont les champs d’oliviers qui font la réputation de ce terroir au sol pauvre, dominé par une terre argilo-calcaire mêlée de silex ; et qu’ils partagent avec les vignes, plantés sur les parcelles les plus arides du plateau, entre 800 et 900 mètres d’altitude. Là, les écarts de température entre le jour et la nuit sont considérables et l’humidité qui vient de la mer peut être étouffante. Là, les vignobles du Domaine de Bargylus attendent l’automne précoce. Celui qui précède la pleine maturité des raisins, et permet une lente maturation des tanins et la préservation de la fraîcheur aromatique malgré le fort ensoleillement estival qui confère à ses bouteilles son goût corsé.
C’est que l’antique cité phénicienne est fidèle à un héritage viticole qui nous parvient, par bribes, à travers les âges. Le romain Pline l’Ancien mentionne, dans sa Naturalis Historia, le Mont Bargylus – aujourd’hui Jabal Al Ansariyeh –, précisant que les raisins y poussent en abondance. Et le grec Strabon relate que Laodicée, ancien nom de Lattaquié, « fournit à la population d’Alexandrie la plus grande partie du vin qu’elle consomme ». De cette époque lointaine ne subsistent que des témoignages archéologiques, comme les cuves romaines creusées à même la roche, au pied du mont. Durant des siècles, la culture du vin n’avait été maintenue que par quelques moines dispersés, ici et là, dans les monastères centenaires de la région, jusqu’à ce que la famille Saadé décide de la réintroduire en 2003. De la réintroduire, de la défendre et de continuer à la faire vivre envers et contre tout ce que la Syrie traverse depuis plus de douze ans déjà.
Nos vins de ce terroir
