Terroir

Osijek a beau se présenter comme la capitale de la bière qui coule à flot dans ses tavernes, petites salles joyeuses cachées dans son architecture héritée de l’époque socialiste, elle n’en est pas moins au centre de la région qui produit près de la moitié des vins croates, la Slavonie. On y vit simplement, enrichi par la culture d’une terre nourricière. On y mange richement : du čobanac, sorte de goulasch préparé avec les viandes du jour (gibier, veau, mouton...) et mijoté dans la marmite, ou le fiš paprikaš, plat traditionnel à base de poissons de rivière. Le tout est assaisonné de paprika local. Autour de la ville, se déploient des paysages allant de monotones champs céréaliers aux étendues sauvages et intouchées : étangs, prairies, marécages et forêts de chênes centenaires rendent ces lieux d’autant plus lumineux et foisonnants qu’ils accueillent une faune et une flore d’une grande richesse.

Celle que les Romains surnommaient « la vallée d’or », a longtemps été prisée et disputée par les Empires pour la fertilité de son sol irrigué par le Danube et ses affluents. Le climat continental tempéré des vallons, dont les flancs sont plantés de vignes à une altitude de 150 à 450 mètres, permet une viticulture d’une grande richesse. Aux côtés des cépages importés (pinot noir, chardonnay, cabernet sauvignon, gewurztraminer...), on retrouve plus de quarante cépages autochtones comme le Pošip (prononcez po-chi-pe), le Grk (prononcez gueur-ke) ou encore le Kujundžuša (prononcez kou-youne-djou-cha). Parmi eux, le Graševina domine, utilisé soit en monocépage soit dans des variations multiples de vins mousseux haut de gamme, de vins jeunes et légers ou de vieux vins complexes.

Terre d’Histoire parsemée de forteresses, la Slavonie est aussi une terre de mythes et de légendes. Elle aurait été choisie par la divinité slave Slata-Baba, la vieille d’or, mère des dieux de la région, pour y rendre ses oracles contre un instrument de musique ou, à défaut, un poil de barbe. Quelque part en Slavonie, elle aurait caché un temple, dit-on. Aujourd’hui encore, la terre est honorée lors des festivals de récolte et, dans le village de Gorjani, se tient, chaque printemps, à l’occasion de la Pentecôte, un rituel dont l’origine a été perdue : lors de la « Procession des Reines », cinq jeunes filles, portant sabres et chapeaux d’hommes, incarnent des rois pendant que cinq autres, couronnées de guirlandes blanches, incarnent des reines. Celles-ci se présentent à chaque maison du village puis à celles des villages voisins afin d’exécuter une danse des sabres accompagnée de chants et de danses folkloriques.